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Assises de l'EAU : la profession agricole demande des actes

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Les Assises de l'Eau se sont tenues ce mercredi 8 septembre 2020, à Nice, à la demande de la profession agricole.

 

Les dernières assises départementales de l’Agriculture ont eu lieu, en octobre 2010. La profession agricole avait souligné l’intérêt de lancer une étude concernant les conditions d’amélioration de l’irrigation dans les Alpes-Maritimes. Cela fait donc maintenant 10 ans, et malgré l’urgence que représente le changement climatique qui bouleverse nos modèles de production traditionnels, qu’aucune des mesures préconisées n’a pris forme.

 

"Mieux gérer l’eau est vital pour tous.  C’est ensemble que nous relèverons ce défi. "

Jean-Philippe Frère, 1er vice Président de la CA06 en charge du dossier eau, dans son intervention, a exposé les 5 axes prioritaires définis et demandés par la Chambre d'Agriculture. 


 Je vous remercie pour la tenue de ces Assises à l’initiative de la profession agricole, qui les souhaitait depuis les Assises de l’Agriculture d’octobre 2010. 
En effet, à l’époque, nous avions souligné l’intérêt de lancer une étude concernant les conditions d’amélioration de l’irrigation dans le département des Alpes-Maritimes 
Cela fait maintenant 10 ans, et malgré l’urgence que représente le changement climatique qui bouleverse les modèles de production traditionnels dans les Alpes-Maritimes, aucune des mesures préconisées n’a pris forme. 


Il nous faut prendre conscience qu’en seulement 20 ans, nous avons changé d’époque.  Il nous faut repenser nos habitudes et notre utilisation d’une ressource, qui il y a peu, pouvait être qualifiée d’abondante. Il était courant d’entendre dire que nous vivions avec un château d’eau sur nos têtes. Aujourd’hui les vallées de la Siagne, de la Brague, du Loup, de la Cagne et de la Roya sont classées déficitaire. Seule résiste la vallée du Var qui, sous les sollicitations toujours plus nombreuses, finira inévitablement par montrer ses limites.
Les arrêtés sécheresse, autrefois exceptionnels, se succèdent chaque année avec la régularité d’un métronome.


Nous agriculteurs, ce changement, nous le vivons tous les jours dans l’ensemble de nos productions.

Il a fallu nous adapter à marche forcée. La majorité des exploitations a répondu à cette transition par une adaptation rapide, dont l’utilisation généralisée du goutte à goutte et de la micro aspersion. 
•    La première sècheresse de 2003 nous a fait entrer dans un cycle qui se reproduit de plus en plus fréquemment. Dernier épisode en date : l’été 2016 et l’hiver 2017 ont entrainé des pertes de récolte sur les vignes et oliviers, ainsi qu’un manque d’eau pour les élevages de montagne, qui ont dû effectuer des transports d’eau depuis les vallées pour permettre aux animaux de survivre.

•    Les épisodes caniculaires récurrents lors des étés 2019 et 2020 ont provoqué des pertes de rendement allant jusqu’à 100 % sur les oliviers. 

•    La fréquence accrue d’orages de types cévenols dans l’ensemble du Département, avec un bilan humain qui risque d’augmenter, sous l’effet conjugué de l’imperméabilisation et des variations climatiques. Nous n’oublions pas les 20 morts de l’épisode de 2015. 

L’agriculture des Alpes-Maritimes n’est pas une agriculture impactante pour l’environnement.
C’est une agriculture familiale, durable et extensive, qui a façonné nos paysages en restanques.

Nos animaux vivent une grande partie de l’année à l’extérieur et non en salle de stabulation. Nos légumes respectent les saisons, la marche vers l’agriculture biologique se poursuit, notre département a le pourcentage le plus important entre surface Agriculture Bio et Protection Biologique Intégrée et surface cultivée. 
Et nous sommes un des rares départements de France à ne pas avoir de Zones Vulnérables Nitrates.Il convient également de souligner l’importance des productions agricoles qui sont associées au bien vivre et à l’art culinaire dans notre département. Ces productions font d’ailleurs l’objet d’une reconnaissance d’excellence par de nombreux labels : le mesclun, la courgette et sa fleur, 2 AOP l’olive et huile de Nice, l’AOP pour le vin de Bellet et côte de Provence pour le vin de Villars, la fraise de Carros, les plantes à parfum de Grasse inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco, l’IGP pour le citron de Menton sans oublier l’horticulture, la rose d’Antibes et l’œillet de Nice. 

C’est dans cet esprit qu’il est nécessaire de situer la place de l’agriculture dans le paysage Maralpin.
L’agriculture représente à l’échelle nationale entre 40 et 60 % de l’ensemble des prélèvements d’eau, elle ne représente que 5 % dans les Alpes-Maritimes. Ce pourcentage n’est que l’estimation de l’ensemble des acteurs du monde de l’eau, et ce malgré une absence regrettable de données.
Nous pouvons par exemple estimer que les prélèvements dans la plaine du Var, s’établissent à environ 60 millions de m3 dont seulement 1 million à destination des agriculteurs. Ceci est dû notamment aux progrès de nos agriculteurs qui irriguent en très grande partie au goutte à goutte.
Ce dernier point nécessite quelques explications. 


Les différents besoins agricoles étaient satisfaits il y a peu, par un maillage de canaux d’irrigation. Ces ouvrages réalisés par et pour le monde agricole, ont vu leur usage se modifier au fil du temps. 
Aujourd’hui ils sont essentiellement utilisés pour alimenter les populations en eau potable ou parfois comme exutoire de pluvial, l’usage agricole en est perdu. Les agriculteurs n’ont eu d’autres choix que d’utiliser l’eau potable traitée, ce qui représente un coût supplémentaire et pénalise nos productions. Nous sommes donc passés en 40 ans d’un système de double réseaux à l’utilisation unique d’une eau potable traitée pour la totalité des besoins.
Et ce dans un contexte de transfert des exploitations agricoles des plaines alluviales vers le moyen et haut pays où les réseaux d’eau sont absents ou non conçus pour alimenter des exploitations agricoles.
Les exploitations qui subsistent dans les plaines alluviales paient un lourd tribut aux bouleversements des canaux d’écoulement du pluvial. Chaque pluie apporte son lot d’inondation sur des parcelles traditionnellement non inondables.  C’est l’effet secondaire des modifications sauvages des canaux de drainage qui ne sont pas pris en compte dans les schémas d’aménagement.


Et n’oublions pas un des effets secondaires du réchauffement climatique, l’obligation maintenant d’irriguer des cultures traditionnelles méditerranéennes qui ne l’étaient pas comme les oliviers, les vignes ou le mimosa.  
L’ensemble de la production agricole départementale, appuyée par les structures syndicales et la Chambre d’Agriculture a investi massivement en matériel économe, mais également en moyen humain. 
Recrutement au sein de la Chambre d’agriculture d’un technicien spécialiste de l’irrigation en conditions déficitaires comme l’Afrique et le Moyen Orient, et ce sans aide de l’Agence de l’Eau ou de la Région. Nous sommes le seul département de la Région à ne pas recevoir d’aide de l’Agence de l’Eau sur des missions en lien avec l’eau. 

Quelles sont les demandes de la profession :

 Il est indispensable que ces Assises soient suivies par des ateliers regroupant l’ensemble des partenaires afin de mener des réflexions sur tous les sujets qui doivent être abordés sans tabou.
Que des décisions d’orientations soient prises et mises rapidement à exécution avec des financements dédiés.
Que les engagements pris soient clairs et concrets à la hauteur des enjeux actuels et à venir. 
 

Le temps du débat politique doit rapidement faire place au temps de l’action.

Face à ce constat, nous avons sollicité nos partenaires pour définir ensemble une politique ambitieuse en matière d’eau agricole, et nous serons très vigilants quant à sa mise en œuvre.

La Chambre d‘Agriculture a défini cinq axes prioritaires :

•    Mise en place de solutions face au changement climatique (stocker l’eau en période d’épisode pluvieux pour de multiples bénéfices, irriguer ou alimenter en période sèche, limiter les écoulements et les dégâts liés aux inondations, constituer des réserves DFCI, favoriser la biodiversité).
A titre d’exemple, l’Espagne stocke 20 % de la pluviométrie contre 1.7% en France où les retenues collinaires à usage de canons à neige sont largement acceptées contrairement aux retenues agricoles qui font systématiquement l’objet de recours. Nous n’avons rien contre le fait de créer des retenues collinaires en station, mais nous souhaiterions bénéficier de la même compréhension.

•    Protéger l’usage agricole des sources et captages face à une réglementation et un droit de préemption excessif qui ne prend pas en compte les différents usages et la co-construction d’un modèle durable.

•    Etudier les possibilités d’irrigation par la REUT(réutilisation des eaux usées) en substitution à l’usage de l’eau potable.

•    Lutter contre l’imperméabilisation des sols pour limiter l’impact des inondations et accompagner les changements d’usages des canaux agricoles pour le bien de tous les usagers et riverains.

Dans un département ou la plus grande partie des surfaces irriguées est constituée de jardins d’agréments, de golfs et de voieries, les efforts doivent être partagés par TOUS, collectivité et particuliers.

Pour adapter des solutions pertinentes, il est prioritaire d’affiner nos connaissances en matière de prélèvement et d’usage de l’eau en agriculture.
Avec le soutien des services de l’Etat et en collaboration avec le SMIAGE, nous allons dès l’automne, lancer une étude exhaustive sur les différents usages de l’eau. Cette étude aura pour but de mieux connaitre l’usage de l’eau dans les exploitations, ainsi que de proposer des solutions d’amélioration. 


Je remercie Christian ESTROSI, Président de la Métropole Nice Côte d’Azur, d’avoir à notre demande, mis en place très rapidement en quelques mois un tarif unique de l’eau sur l’ensemble du territoire de la Métropole. 
Je tiens à remercier particulièrement le SMIAGE et son Président, Charles-Ange GINESY, pour le partage des compétences en matière d’études et la collaboration permanente entre nos services. 
Et le Conseil Départemental pour le soutien au développement de l’Agriculture Biologique dans nos campagnes qui contribue à ce que nous n’ayons pas de traces de nitrates dans les cours d’eau.


Mieux gérer l’eau est vital pour tous. C’est ensemble que nous relèverons ce défi.
Les agriculteurs sont déjà au travail, nous sommes déterminés à trouver des solutions qui concilient la pérennité des exploitations et la préservation de l’environnement.

Je conclurais mes propos en m’adressant aux décideurs : il va de votre responsabilité de prendre des décisions fortes, afin d’anticiper les conséquences du changement climatique.
Si les décisions ne sont pas prises rapidement par des choix forts, la nature continuera sa mutation et la tribu à payer sera sans commune mesure avec les investissements nécessaires pour changer notre façon de consommer.
Je vous remercie pour votre attention et pour le soutien que vous apportez à l’agriculture des Alpes-Maritimes.