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Le phytonome : ravageur problématique de la luzerne

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Le phytonome est un insecte phyllophage de l’ordre des coléoptères pouvant occasionner des dégâts très importants en particulier sur la luzerne. La Chambre d’agriculture 04 a effectué en 2018 un essai concernant ce ravageur afin de conseiller les agriculteurs bio, qui ne disposent pas d’intrants homologués pour s’en protéger.

La luzerne est une culture fourragère clé pour l’autonomie alimentaire des éleveurs. Elle est régulièrement victime d’un redoutable ravageur : Hypera postica, que l’on appelle familièrement le « peluchon ». Ce ravageur problématique partout à travers le monde, fait l’objet de nombreuses études.

En 2018, les conseillers de la Chambre d’agriculture des Alpes-de-Haute-Provence ont décidé d’initier un essai le concernant, afin de conseiller les agriculteurs bio de la région, dépourvus d’intrants homologués pour s’en protéger. Malgré sa petite taille (entre 4,5 et 6 mm), ce petit charançon peut fortement impacter l’élaboration du rendement lorsqu’il pullule. Ce sont les larves qui causent le plus de dégâts. Les oeufs sont pondus dans les tiges et les pétioles, à raison de 5 à 20 oeufs par tige. Les larves peuvent ainsi rapidement envahir la culture et causer d’importants dégâts et pertes de rendement, en particulier sur la première fauche de l’année1. L’hivernation de l’insecte peut se faire sous forme d’adulte, de nymphe, de larve ou d’oeuf (en cas de ponte tardive). Tôt dans la saison, les 1er et 2e stades larvaires causent des dégâts à l’extrémité des tiges. Puis plus tard, les 3e et 4e stades vont attaquer les feuilles ouvertes. Tout le tissu foliaire à l’exception des veines peut alors être consommé1. Le couvert de luzerne ainsi clairsemé (voir photo) laisse davantage de place aux adventices qui entraîneront par la suite des pertes de rendement supplémentaires.

Des variétés choisies pour leurs indices de dormance variables

Dans la lutte contre les ravageurs des cultures, le choix de variétés tolérantes fait partie des mesures prophylactiques à considérer. C’est d’autant plus vrai dans le cas présent où aucune méthode de lutte n’est homologuée. Les variétés testées dans cet essai ont été choisies pour leurs indices de dormance variables. L’indice de dormance permet à une plante d’être adaptée aux conditions climatiques hivernales d’un endroit donné. Un faible indice de dormance va permettre aux luzernes d’être adaptées à des hivers longs, on parle de « type nord » ou encore de variété flamande. À l’inverse, un indice de dormance plus grand va impliquer un départ plus précoce au printemps et une pousse plus régulière durant toute la saison, on parlera alors de « type sud » ou de variété méditerranéenne. Habituellement, le choix de l’indice de dormance se fait en fonction du mode d’exploitation que l’on souhaite ainsi que du climat. À travers cet essai, l’idée est d’évaluer si, en jouant sur le cycle de la plante à travers l’indice de dormance, il est aussi possible de perturber le cycle de l’insecte.

Les variétés Emilana, Banat, Azzura, Magali, Volga ainsi qu’un mélange de ces trois dernières ont été semés DRsur deux sites différents. Un premier essai a été mis en place dans la vallée du Jabron et un second près de Digne-les-Bains sur la commune de Marcoux. Le témoin de chacun des sites était une variété fermière propre à l’agriculteur hébergeant l’essai. En 2019 et 2020, les larves ont été prélevées de façon hebdomadaire à l’aide d’un filet fauchoir au sein des plates-bandes de chaque variété. Le but étant d’élaborer des courbes de population et d’établir une comparaison.


À Marcoux, le nombre de larves récoltées est trop faible à ce jour et ne permet pas encore de conclure sur l’essai. À Noyers-sur-Jabron, un nombre plus important de larves ont été capturées sur les variétés méditerranéennes au début du printemps que sur les variétés flamandes (graphique 2). D’après les résultats obtenus en 2019, il y aurait une corrélation positive entre la hauteur de la luzerne et le nombre de larves. Ce qui expliquerait que les variétés méditerranéennes, qui sont plus précoces, soient les plus attaquées. Les données de 2019 ont permis de mettre en avant une corrélation entre le taux d’attaque en début de printemps et le rendement de 1re fauche. Cela explique en partie pourquoi les rendements des variétés flamandes étaient sensiblement plus élevés en 2019 que ceux des variétés méditerranéennes.

Le fait que le taux de larves récoltées sur les variétés flamandes remonte considérablement et dépasse celui des variétés méditerranéennes dans un second temps en 2019 n’a pas semblé impacter le rendement outre mesure étant donné que le stade juvénile de la luzerne est le plus vulnérable. Sur toute la période de l’essai, c’est la plate-bande contenant le mélange de variétés qui semble présenter le nombre moyen de larve le plus faible. Cette année, une attention toute particulière sera donc accordée au mélange de variété. La deuxième année d’observation permettra de confirmer ou d’infirmer les tendances déjà observées et d’effectuer de nouvelles mesures de rendement.


Nombre de larves capturées par variété avec 25 coups de filet fauchoir à Noyers-sur-Jabron au printemps 2019 (gauche) et 2020 (droite). La lettre M indique les variétés méditerranéennes et la lettre F les variétés flamandes.


Coline Braud, CA 04
1 Makenzie E. Pellissier, Zoë Nelson, Randa Jabbour, Ecology and Management of the Alfalfa Weevil (Coleoptera: Curculionidae) in Western United States Alfalfa, Journal of Integrated Pest Management, Volume 8, Issue 1, January 2017, 5, doi.org/10.1093/ jipm/pmw018.