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Prédation : 2 fois plus d’animaux tués qu’en 2017 dans les AHP

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A quelques jours des montées en estives, les troupeaux bas-alpins avaient d’ores et déjà subi des pertes deux fois plus importantes que l’an passé.

500 animaux tués (en fait indemnisables) au 18 juin dans les Alpes-de-Haute-Provence, soit plus du double par rapport à 2017 à la même date pour 43% d’attaques en plus. Dans les Hautes-Alpes, si on ne comptait le 29 juin que 35 animaux tués, ce répit n’aura été que de courte durée. Une semaine plus tard, on comptait déjà 29 attaques pour 121 animaux tués, dont deux attaques chez le même éleveur à trois jours d'intervalle sur le secteur de Gleize, commune de Gap qui ont fait 42 victimes.

Autant dire que l’année 2018 devrait connaître une nouvelle augmentation de la prédation, et ce dans une indifférence générale que déplore la profession. «On est confrontés à une banalisation de la prédation auprès de la population. On subit 50% d’attaques en plus et ça n’intéresse personne », regrette Michel Margaillan, en charge du dossier à la chambre d’agriculture 04.
D’autant que le différentiel selon les secteurs est assez spectaculaire. C’est le cas notamment sur le secteur du Jabron où on comptait il y a près d’un mois 33 attaques et 108 animaux tués depuis le début de l’année (136% d’attaques supplémentaires et 238% d’animaux tués supplémentaires par rapport à 2017), de la Durance où 126 animaux ont été tués au cours de neuf attaques (125 % d’attaques supplémentaires et +350% d’animaux tués par rapport à l’an passé) et en particulier dans le Bas Verdon, jusque-là assez épargné à cette période de l’année, où on a compté sept attaques au cours desquelles 55 animaux ont été tués. En tout, on compte donc 123 attaques ayant impacté 64 exploitants, GAEC ou groupements pastoraux répartis sur 51 communes différentes.
« Avant, on se disait qu’on finirait par ne plus aller en montagne, et maintenant ça attaque jusque devant la bergerie. Ça ne va évidemment pas dans le sens d’une régression du nombre d’attaques... Ça finit par remettre en question tous les systèmes d’élevage, et non plus seulement l’élevage pastoral », ajoute Michel Margaillan.

« Ça ira peut-être mieux à la montagne »

C’est ainsi que Julien Giraud, éleveur sur le plateau de Valensole, a subi à dix jours d’intervalles trois attaques au cours desquelles il a perdu 33 brebis : six brebis ayant été tuées au cours des attaques et les 27 autres ayant dû être euthanasiées. Des pertes subies en dépit des mesures qu’il avait prises entre chaque attaque pour protéger ses bêtes. Réduction du nombre de lots de sept à deux, doublage des clôtures, surveillance humaine : rien n’y a fait. « L’une des attaques s’est produite vers 21 h 30 alors que mon père s’apprêtait à retourner voir les bêtes après avoir pris un moment pour manger un bout », témoigne l’éleveur, désarmé devant l’imprévisibilité du prédateur, à l’occasion d’une visite organisée en présence notamment du président de la chambre d’agriculture 04 Frédéric Esmiol et de la directrice adjointe de la DDT Pascaline Cousin.
« Durant tout l’hiver, les bêtes étaient dans les bois. Chaque jour, on avait la boule au ventre et ça s’est bien passé. Et là, au bout d’un mois dans l’herbe… Et si encore il les mangeait ! Cet hiver, il m’a pris un bélier mais il n’en a rien laissé. Tandis que là, il fait un carreau et il mange rien ! » Il ajoute : « un garde de l’ONCFS m’a dit : ‘bon courage pour la dernière semaine, ça ira peut-être mieux à la montagne’ ».
Sous-entendu : la forte présence des chiens de protection pourrait limiter le nombre de brebis tuées en alpages.

Lieutenant de louveterie : un sacerdoce

En attendant, le soir du 21 juin, deux lieutenants de louveterie étaient sur le pont dès 21 heures pour assurer la surveillance nocturne du troupeau, équipés d’une caméra thermique prêtée par la brigade loups, d’une paire de jumelles à vision facilitée, d’un phare et de carabines à canon rayé. « Une fois que nous avons identifié le loup, l’un de nous deux allume le phare, et nous disposons alors de deux à trois secondes pour tirer », explique Pierre Kapps, qui était accompagné ce soir-là du président des lieutenants de louveterie des Alpes-de-Haute- Provence Gérard Autric. Les deux louvetiers prévoyaient d’assurer la surveillance du troupeau jusqu’au lever du jour. Une mission qui finit par relever du sacerdoce. « Selon les secteurs, nous sortons deux à trois soirs par semaine », estime Pierre Kapps en précisant que les interventions ne sont effectuées que sur ordre préfectoral. « Nous sommes des fonctionnaires bénévoles », ajoute-t-il avec un sourire. Bénévoles et jusqu’ici non défrayés (la situation est en passe d’évoluer, lire en page 2), peut-on ajouter, ils tournent à moins d’une vingtaine sur le département.
Une intervention qui n’aurait cependant pu avoir lieu si l’éleveur n’avait pas effectué de demande de tir de défense, simple (mis en oeuvre par une seule personne détentrice d’un permis de chasse) ou renforcée (mis en oeuvre par plusieurs tireurs dans la limite de 10 personnes). « C’est typiquement le problème que nous avons rencontré sur Castellane où, durant l’hiver, il y a eu un paquet d’attaques et la brigade n’avait aucune possibilité d’intervenir parce qu’aucune demande de tir de défense renforcée n’avait été faite », note Sylvain Troubetzky, chef du pôle pastoralisme à la DDT 04. Bref, les éleveurs ont tout intérêt à ne pas hésiter à effectuer des demandes de tirs de défense dès qu’ils en ont la possibilité. D’autant, assure Julien Giraud, que « ce n’est rien à faire. Ce qui est le plus long, c’est de lister les communes sur lesquelles se trouvent les troupeaux ».

Demander des autorisations de tirs de défense

Et surtout, estime Frédéric Esmiol, « ce sera notre seule chance de démontrer les limites du système. Il faut que les éleveurs fassent les démarches afin que l’on puisse prouver une bonne fois pour toutes que cela ne fonctionne pas ». Et peut-être obtenir que la législation évolue d’une manière autrement plus favorable aux éleveurs qu’elle ne l’est actuellement. « On le voit bien, les gens sont résignés et quoi qu’on fasse, on n’arrive pas à diminuer le nombre d’attaques. C’est pour ça qu’il faut le faire », confirme Michel Margaillan. « Nous sommes arrivés dans une impasse, lâche le président de l’organisme consulaire. Des moyens colossaux ont été mis en place pour accompagner les éleveurs et le loup continue d’étendre son territoire. Aujourd’hui, tout notre département est concerné et les éleveurs sont de plus en plus désabusés. C’est un sujet autour duquel tous les syndicats arrivent à se retrouver et on ne sait plus quoi faire. La seule solution, c’est de prélever davantage. Ou alors que l’Etat assume que le loup a conquis les Alpes-Maritimes, les Alpes-de- Haute-Provence et les Hautes-Alpes qu’on en tire des conclusions et qu’on arrête de nous mener en bateau ! »
Selon le dernier bilan de la DDT en date du 18 juin, le département comptait 282 autorisations de tirs de défense et 26 autorisations de tirs de défense renforcée en vigueur jusqu’au 30 juin, et 1 587 chasseurs étaient habilités à participer aux opérations de tirs de défense renforcée et tirs de prélèvement ordonnées par le préfet du département.

St.M.C.