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Effets des applications de cuivre tardives sur les arômes de vins rosés

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Bilan de deux années d’études : 2018 et 2020.

Cet essai a été réalisé et suivi par la Chambre d’Agriculture du Var et le Centre du Rosé - IFV dans le cadre d'une prestation commandée par l'UPL.

Contexte

Depuis plusieurs années, le cuivre est utilisé par de nombreux viticulteurs varois, en viticulture biologique et même conventionnelle. En effet, le climat méditerranéen permet d’utiliser ce produit de lutte contre le mildiou de façon intéressante.
Mais le cuivre a une réputation d’ennemi des thiols, précurseurs des arômes de vins rosés recherchés dans les produits finis.
Cette étude avait pour but de vérifier l’influence du cuivre, pulvérisé à différentes doses, sur les arômes de vins rosés.

Programme d’intervention

Mise en place de l’essai sur vigne et suivi

  • Parcelle homogène
  • Cépage : Grenache
  • Parcelles situées à Cogolin en 2018 et Pontevès en 2020
  • Plan d’expérience : bloc randomisé


Applications du produit, au pulvérisateur à dos :

  • Modalité 1 : Témoin non traité au cuivre
  • Modalité 2 : Modalité « Bio » 6 à 8 traitements pour un cumulé d’environ 3000 g cuivre métal / ha / an à l’aide de Bouillie Bordelaise RSR Disperss
  • Modalité 3 : un traitement à 400 g cuivre métal à fermeture + 15 jours après à l’aide de Bouillie Bordelaise RSR Disperss
  • Modalité 4 : un traitement à 750 g cuivre métal à fermeture + 15 jours après (pleine dose) à l’aide de Bouillie Bordelaise RSR Disperss  – traitement volontairement à des doses importantes de cuivre, plus importantes que ce qui est fait dans la pratique aujourd’hui, pour voir les effets que cela pourrait produire

Climatologie des années d’études

Le millésime 2018 a été marqué par une pluviométrie particulièrement importante sur l’ensemble du département du Var, causant une très forte pression maladies (notamment mildiou) sur vignes.
Sur la station météo de Cogolin, on note des cumuls de pluies du 1er mars au 20 août de 424,5 mm, contre 237 mm dans les moyennes pluriannuelles habituelles.

Le millésime 2020 se caractérise par une saison globalement chaude et sèche sur l’ensemble du Var. D’après les relevés de la station météo de Pontevès, l’hiver a été très sec (janvier-février) et avec une baisse des températures en mars-avril (épisode de gel les 25 et 26 mars). Le printemps a été pluvieux (mai-juin), avec notamment des pluies régulières durant le mois de mai. L’été a été chaud et très sec, aucune pluie enregistrée de mi-juin à fin août. Enfin, le mois de septembre a été chaud et pluvieux.

Les dernières applications de cuivre ont été lessivées en partie en 2018, en 2020 on note deux pluies plus légères avec un cumulé de 9 mm avant les vendanges.Toutes les modalités ont été traitées le même jour à chaque fois (conventionnel et bio), et les traitements renouvelés à chaque lessivage ou fin de cadence de renouvellement.

Au final, nous arrivons donc à un cumulé de cuivre métal / hectare, selon les modalités :

Avec des derniers traitements en partie lessivés en 2018, non lessivés pour l’étude 2020. On part du principe que 25 à 40% du cuivre est lessivé dès les premiers millimètres d’une pluie.
Pas de différence significative relevée au moment des vendanges, en termes de charge et poids de vendange. 

Résultats partie œnologie / vinifications / analyses sensorielles


Maturités des vendanges

En 2018, la maturation homogène sur la parcelle a permis de récolter des modalités à caractéristiques similaires (Tableau 1). En 2020 en revanche, l’hétérogénéité de maturation du millésime a conduit à des différences de maturité à la vendange (Tableau 2), spécifiquement sur la modalité CUI03 qui présente un TAP supérieur ainsi que des paramètres d’acidité inférieurs. Cette hétérogénéité se reflète également sur le poids des baies par placettes. L’écart de TAP et acidité sur CUI03 doit donc être suivi pour interprétation des résultats en vinification.

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Fermentations alcooliques

En 2018, les fermentations alcooliques se sont déroulées de façon assez homogène, avec un peu plus de lenteur sur CUI01 (+ 2 jours de FA et 2g/L de sucres résiduels), quand CUI04 a fermenté 2 jours de plus mais pour un sucre résiduel inférieur à CUI01 et 02. En 2020, comme attendu la modalité CUI03 présentant un TAP supérieur de plus d’1%v/v a fermenté 4 jours de plus pour un taux de sucres résiduels inférieur à 2g/L. Ces 3 jours de fermentation supplémentaires peuvent conduire à des différences qualitatives, notamment dans le cadre de l’adsorption des pigments colorés par les parois de levures, les paramètres acides et la production d’arômes fermentaires. Les 3 autres modalités montrent une FA homogène. Les différences observées en taux de sucres résiduels entre les modalités, en 2018 et 2020, ne sont pas suffisamment importantes pour influer sur les perceptions en dégustation.



Evolution de la teneur en cuivre résiduel lors des vinifications

Le taux de Cuivre résiduel au débourbage est faible comparé aux apports réalisés, que ce soit en 2018 et 2020, ce qui laisse suggérer un lessivage important (confirmé en vigne uniquement 2018) ou une forte perte lors des étapes pré-débourbage en cave. La plus grande majorité du Cuivre est éliminée après fermentation alcoolique, hormis sur la modalité bio CUI02 de 2018, unique modalité présentant un taux de Cuivre supérieur à 1mg/L au débourbage. Le Cuivre résiduel est nul sur tous les vins en bouteilles.

Figure 1 : Présence en résidus de Cuivre au cours des vinifications de 2018 (a) et 2020 (b). DB = après débourbage ; Fin FA = fin de fermentation alcoolique avant soutirage et sulfitage ; Vin = vin en bouteille après 2 mois de conservation à 12°C.

 

Caractéristiques œnologiques et chromatiques des vins en bouteilles

En 2018, les vins en bouteilles présentent des caractéristiques œnologiques très proches (Tableau 4), et des caractéristiques chromatiques similaires excepté pour la modalité CUI03, plus pâle, donc l’interprétation est difficilement imputable aux traitements cupriques (Figure 2). En 2020, la modalité CUI03 présente un TAV supérieur (+0,67 à +1,2 % v/v) mais excepté ce paramètre les 4 modalités présentent des caractéristiques œnologiques similaires (Tableau 5). Les paramètres chromatiques et phénoliques montrent cependant des quantités toujours supérieures pour CUI03. En terme de couleur vue (Figure 3), CUI03 semble donc plus intense et plus orangé alors que les 3 autres modalités semblent indiquer une tendance à des vins plus clairs lors de traitements cupriques plus importants.

 

Caractéristiques sensorielles des vins en bouteilles


Les effets majeurs connus des résidus de cuivre en vinification sont une perte du caractère thiolé (agrumes, fruits exotiques) et également de certains esters fruités dans les vins en bouteilles. Ces effets sont cependant montrés à des niveaux de cuivres résiduels plus élevés. En 2018, la modalité conventionnelle ressortait avec plus d’arômes floraux et de fruits rouges, mais dans le cas des arômes thiolés, les notes de fruits exotiques perçues ne semblaient pas affectées par le traitement et les notes d’agrumes étaient même supérieures sur les modalités traitées, de façon majeure sur la modalité CUI03. Cette modalité CUI03 présentait aussi cependant des défauts de réduction (Figure 4).

En 2020 les différences sont un peu plus marquées, mais certaines dues à la plus grande maturité de CUI03 (Figure 5). En effet, CUI03 présente plus de notes empyreumatiques, plus d’amertume, de sucrosité et de gras, malgré une sensation d’alcool jugée similaire. Excepté ces données dues à la maturité plus avancée de cette modalité, d’autres tendances ressortent : la modalité conventionnelle est une nouvelle fois perçue plus faible en notes d’agrumes, qui augmentent avec la dose de Cuivre totale reçue en vigne. Les notes de confiserie, fruits rouges et noirs, fruits mûrs, et fruits exotiques (à une plus faible mesure) semblent en faveur de la modalité conventionnelle.

Le cas inattendu des impressions thiolées agrumes supérieures pour des apports totaux supérieurs de Cuivre se reproduit donc avec plus ou moins d’importance sur ces deux années, à l’encontre de résultats démontrés. Nous avons donc choisi de doser les précurseurs thiols et quantités de Glutathion dans les mouts, ainsi que les thiols libres dans les vins sur le millésime 2020.

Ces mesures, représentées en comparaison des notes d’analyses sensorielles (Tableau 6) confirment une relation entre le taux de 3-sulfanylhexan-1-ol (3SH) et la perception de notes d’agrumes, et que cette augmentation en quantité et en perception va de pair avec une augmentation du cuivre total appliqué dans les vignes. Les notes de fruits exotiques cependant diminuent avec l’augmentation du traitement en Cuivre, spécifiquement entre la modalité témoin et la modalité Bio la plus traitée, mais les valeurs d’acétate de 3-sulfanyl-hexan-1-ol (3SHA) sont trop faibles et non corrélées.


Conclusions et perspectives des deux années d’expérimentations

La corrélation négative entre le taux de cuivre résiduel et les perceptions de notes d’agrumes et fruits exotiques (thiols) ainsi que certains esters fruités n’a pas été significativement mis en avant sur les deux années d’expérimentations. L’hypothèse principale est que les concentrations résiduelles en cuivre à l’entrée en vinification n’étaient pas suffisantes pour affecter ces caractéristiques. Sur le millésime 2020, les notes de fruits exotiques perçues semblent diminuer avec l’augmentation des traitements en cuivre mais les concentrations en 3SHA sont très faibles et de ce fait ne permettent peut-être pas de déceler de différences probantes. A l’inverse, des corrélations positives entre la quantité de cuivre total appliqué, le 3SH et les notes d’agrumes semblent ressortir des expérimentations de 2020 et à moindre échelle sur les expérimentations de 2018. Finalement, en 2018 et 2020 les notes de fruits rouges semblent diminuer sur les modalités traitées au cuivre, qui plus est proportionnellement à la dose totale appliquée.

Les doses de traitements appliquées sont pourtant dans la norme de ce qui est pratiqué en vignoble provençal, voire supérieures pour la modalité la plus poussée (modalité 4). Cela suggère que les stratégies actuelles de traitements avec des spécialités à base de cuivre n’ont pas un impact négatif sur les arômes thiols dans les vins rosés.

Essai réalisé par la Chambre d'Agriculture du Var et le Centre du Rosé-IFV dans le cadre d'une prestation commandée par la société UPL.


Contacts : Clémence BOUTFOL et Audrey CHAIX-BRYAN, conseillères viticoles à la Chambre d'Agriculture du Var
clemence.boutfol@remove-this.var.chambagri.fr
audrey.chaixbryan@remove-this.var.chambagri.fr

 

 

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