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Foncier agricole : L’ingénierie financière au service de l’agriculture

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Un nouveau dispositif va offrir aux acteurs et partenaires de l’agriculture régionale la possibilité de financer l’accès au foncier agricole

Avec la prolifération des parkings, des zones commerciales et autres, l’étalement urbain inquiète à plus d’un titre. Si les scientifiques s’alarment des dommages que fait peser le bétonnage sur l’environnement, ce sont les agriculteurs et leurs terres fertiles qui payent, en grande partie, le prix de cette artificialisation des sols.
Face à cette pression, et à l’envolée financière du foncier agricole, difficile pour les jeunes de s’installer. Dans la région, plusieurs acteurs du monde agricole ont pris la problématique en main. Depuis plusieurs années déjà, Coop de France Alpes Méditerranée, la Safer Paca, le Conseil régional, et le Crédit Agricole travaillent via différentes conventions sur des outils financiers et sur la mise en place de dispositifs de portage foncier. “Une convention a permis l’acquisition de 290 hectares par les coopératives, pour l’installation de jeunes agriculteurs, toutes filières confondues”, rapporte Didier Marie, directeur de Coop de France Alpes Méditerranée. Mais la financiarisation des terres agricoles est telle, que l’accompagnement à l’installation devient aujourd’hui très complexe. Des solutions de financement innovantes pointent pourtant leur nez. La Safer Paca, qui travaille depuis plusieurs décennies à faciliter l’accès au foncier agricole, a organisé une rencontre, vendredi 15 juin sur le Min de Cavaillon, autour de cette question cruciale. Des représentants du monde agricole et des décideurs ont participé à une table ronde. 

 
La perte de la valeur réelle des terres

Les personnalités présentes ont, dans un premier temps, rappelé combien le foncier agricole n’était aujourd’hui malheureusement plus corrélé au revenu des producteurs, quelle que soit la filière.
Pour Gérald Fabre, président des JA Paca : “La spéculation et l’envolée des prix de la terre agricole sont telles que, même si le revenu net de l’exploitation augmente, le ratio entre le revenu net/ha et le prix du capital ne fait que diminuer ces dernières années”. C’est la perte de la valeur réelle de la terre qui inquiète, et le constat est partagé par la Région. La présidente de la commission agricole du Conseil régional ajoute que “la spéculation sur le foncier se retrouve en zone périurbaine, mais aussi loin des villes, dans des secteurs où la terre devient une valeur refuge pour les propriétaires agriculteurs”. 
Dans ce contexte très spécifique et très régional, la Région s’emploie, avec ses partenaires, à “reconnecter une politique foncière à une politique économique”, indique Bénédicte Martin.
La disparition des terres agricoles sera, par exemple, un volet important du prochain Sraddet (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), dont la rédaction incombe à la Région. “Cet outil réglementaire doit repositionner l’évolution du territoire régional pour les deux prochaines décennies, et rétablir ces connexions. Il sera aussi prescriptif, et les Scot (Schémas de cohérence territoriale) et PLU (Plan local d’urbanisme) devront tenir compte de ces orientations prises en faveur de l’agriculture”, précise la présidente.
Les agriculteurs peuvent toujours compter sur la Safer, dont “l’activité sur les rétrocessions enregistrées en 2017 dans la région Paca a atteint le chiffre record de 250 millions d’euros”, soulignait, Patrice Brun, président de la Safer Provence-Alpes-Côte d’Azur.


Une loi contre l’accaparement des terres


Mais, contre la financiarisation de l’agriculture, ce sont aussi des lois fortes dont les agriculteurs ont besoin, d’autant que les Safer ne bénéficient plus du soutien des fonds publics, rappelait Emmanuel Hyest. “La part patrimoniale devient tellement importante, qu’elle nuit à l’activité économique et à la compétitivité de l’économie agricole française. Si, demain, la financiarisation continue de jouer son œuvre, seuls des financiers, qui n’ont pas directement un lien avec l’activité économique, pourront acheter, d’où l’intérêt d’une révision de la loi sur le foncier.” Pour le président de la fédération nationale Safer, “la future loi foncière devra mettre en place un ou des outils, qui rappellent ce qu’est un agriculteur, qui règlent le problème de transparence du marché, et qui taxent aussi ceux qui dérogent, sans pénaliser les vertueux“. 
Mais au fait, qu’est-ce qu’un agriculteur ? “Tout le contraire des sociétés d’investissements, qui confisquent les terres sur lesquelles les paysans produisent et alimentent la population”, lance Claude Rossignol. Le président de la Chambre régionale d’agriculture a félicité l’action de la Safer pour ses opérations de rétrocessions menées sur le territoire, mais il a insisté sur la nécessité de ne plus perdre un seul hectare de terres agricoles. “Il faut stopper l’hémorragie ! Aussi, je me tourne vers les collectivités territoriales, pour penser à l’échelle d’une génération, et vers l’État, pour ne plus taxer les agriculteurs qui souhaitent remettre en culture une zone naturelle !”

 

Nouvel outil d’intervention financière


Si les agriculteurs ont besoin de s’appuyer sur une politique globale pour s’armer contre cette financiarisation du marché foncier, les réflexions et les efforts d’innovation des acteurs du monde agricole dans l’accompagnement à l’installation sont aussi bienvenues. Coop de France Alpes Méditerranée et la Safer Paca ont ainsi réfléchi, ensemble, à une solution pour aller chercher des fonds ailleurs que dans le système bancaire traditionnel. “Avec la Safer Paca, nous voulons créer une coopérative d’investissement collectif qui permettrait de se substituer, pour partie, au financement classique, et aider les jeunes agriculteurs à investir dans leur capital d’exploitation”, explique Didier Marie. 
“Cette SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) irait acquérir et porter le foncier toujours par les mêmes voies de décisions de la Safer et de ses comités techniques départementaux”, indique Max Lefevre, directeur de la Safer Paca. Elle pourra ainsi louer du foncier par bail rural à un agriculteur nouvellement installé qui, pour sa part, s’engagera à l’acheter, sur une période allant de sept à quinze ans. 
Pour les coopératives, l’intérêt de cette démarche d’externalisation de financement, c’est de “permettre de limiter leur endettement, tout en contribuant à l’installation de jeunes agriculteurs, qu’ils soient ou non coopérateurs”, précise Didier Marie. 
Pour la mise en œuvre de ce nouvel outil de gestion et d’intermédiation financière, Coop de France Alpes Méditerranée et la Safer Paca espèrent une mixité de fonds publics et privés. Ils invitent aussi tous leurs partenaires habituels, et les organismes qui le souhaiteront, à apporter leurs capitaux. L’initiative, soutenue par le Conseil régional, devrait être opérationnelle en septembre. 

Source : Source Agriculteur Provençal 29/06/2018 – Auteur : Emmanuel Delarue