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Quand les agriculteurs sont en difficulté

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Légende photo : Pour aider les agriculteurs à parler, à ne pas s'enfermer et à oser demander des conseils, la MSA déploie tout un programme d'actions sur son territoire. © Crédit photo : MSA

Le mal-être ne doit pas être une fatalité. Dans le monde agricole, un vaste programme de prévention s'articule autour de la feuille de route nationale de lutte contre le mal-être en agriculture. La MSA est au cœur des dispositifs...

Épisodes de gel successifs, grêle dévastatrice, menace de cessation d'activité ou difficultés à vivre simplement du fruit de son travail. Les facteurs qui peuvent venir fragiliser les exploitations agricoles sont nombreux. Mais aux difficultés économiques ou financières s'ajoute aussi quelquefois un mal plus sournois. Pour les exploitants, il peut être la conséquence du cumul de ces différents problèmes, mais pas forcément. Le mal-être agricole recouvre en réalité des situations très diverses.
Quoi qu'il en soit, connaître des difficultés n'est pas une fatalité. Il existe en effet de nombreuses solutions pour s'en sortir. La première : en parler, ne pas s'enfermer, ne pas nier la réalité et oser demander des conseils. De telles démarches ne sont certes pas simples, mais elles sont aujourd'hui considérablement simplifiées et adaptées aux différents besoins identifiés.
 

Un travail de diagnostic terrain plus fin

De nombreux dispositifs d'accompagnement sont aujourd'hui portés et proposés par les services de l'État, les Chambres d'agriculture et les organismes professionnels agricoles. Citons la cellule 'Agriculteurs en difficulté', qui s'adresse aux exploitations agricoles rencontrant des difficultés structurelles, la plateforme de prévention du suicide de l'Agence régionale de santé, le numéro national de prévention du suicide (3114), le soutien proposé par le réseau associatif 'Solidarité paysans', la plateforme 'Agri'écoute' et l'aide au répit en cas d'épuisement professionnel, développées par la MSA, ainsi que de nombreux autres dispositifs préventifs. Comme le rapporte Sarah Benayoun, référente du programme de prévention du mal-être agricole à la MSA Provence Azur, "on observe sur le terrain de plus en plus de situations de mal-être chez les agriculteurs, situations engendrées par un cumul de problématiques et de facteurs de fragilité". Au niveau national, malheureusement, les chiffres sont alarmants : ainsi, un agriculteur se suicide tous les deux jours. C'est d'ailleurs la troisième cause de mortalité dans le monde agricole.
Dans le cadre du programme de lutte contre le mal-être en agriculture, la MSA a voulu creuser au niveau local, en effectuant des diagnostics sociaux démographiques et territoriaux, pour mieux comprendre les enjeux autour de cette problématique. Sur les trois départements des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches-du-Rhône, un certain nombre de facteurs de fragilité sur différents aspects ont été mis en évidence. Le nombre de personnes au RSA dans le monde agricole, l'éloignement aux soins, la consommation de médicaments psychotropes et d'autres indicateurs économiques et sanitaires peuvent expliquer un risque de surmortalité par suicide. "On s'aperçoit que, sur toutes ces données, les territoires sont très hétérogènes. Dans l'arrière-pays et le littoral, les agriculteurs sont beaucoup plus défavorisés par exemple sur le plan socio-économique et sanitaire. Ce travail de diagnostic nous a permis de mettre en avant des territoires, des publics prioritaires et des facteurs de fragilité, à la fois les déterminants du risque suicidaire ainsi que les facteurs aggravants", explique Sarah Benayoun.


Pas que les questions économiques

Dans la réalité, la question éco- nomique n'est pas toujours à l'origine de ce qui entraîne un suicide, ni le facteur déterminant. Un problème de gestion de l'exploitation n'est pas systématiquement ce qui peut conduire une personne à un mal-être, un épuisement professionnel ou à sombrer dans la dépression. C'est souvent un cumul de facteurs de fragilité et de problé- matiques.
"On pourrait d'ailleurs penser que des retards sur les paiements de cotisations ou les dettes seront des alertes. Mais si l'on ne s'arrête qu'à ce type d'indicateur, on oublie tout un pan de populations qui, au contraire, sont irréprochables sur ces questions, mais qui rencontrent de nombreuses autres difficultés en parallèle", complète Étienne Colliot, directeur adjoint à la Chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône.
Le sujet de la transmission, le sentiment d'échec au plan familial, le poids de l'héritage sont autant d'éléments auxquels on ne pense pas toujours. Ils peuvent cependant parfois provoquer plus de détresse qu'une problématique économique classique. Il y a bien sûr aussi toute l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et son lot de difficultés.
L'autre constat des services de la MSA, ce sont les réticences des agriculteurs en situation d'épuisement ou de mal-être à solliciter de l'aide, ou à s'adresser aux services dédiés. C'est dans la culture du métier, on se débrouille souvent par soi-même. À tort.
Aussi, afin de lutter contre le mal-être en agriculture, la MSA - sous l'égide des préfets de département et avec l'appui des partenaires - déploie un plan d'actions visant à mieux repérer et accompagner les situations de mal-être et de risque suicidaire, en veillant à articuler l'ensemble des dispositifs de prévention existants entre eux.

Sensibiliser et reconnecter

Plusieurs actions phares de ce programme ont été ciblées et sont mises en place aujourd'hui. Le premier travail consiste à informer, communiquer et sensibiliser sur le programme, sur la question du mal-être, ainsi que sur les différents outils que la MSA et ses partenaires proposent.
L'autre enjeu important du programme est le déploiement du réseau des sentinelles. Il s'agit d'un réseau de volontaires présents sur l'ensemble du territoire. Leurs missions consistent à repérer et orienter les personnes en situation de mal-être vers des ressources qui peuvent les aider : service Agri'écoute, 3114, cellule pluridisciplinaire de prévention du mal-être, etc. La MSA met en œuvre des formations auprès de personnes volontaires pour le devenir, et le territoire de MSA Provence Azur compte à ce jour 127 sentinelles. L'objectif est d'atteindre au moins 150 sentinelles avant la fin de l'année. L'idée est de mailler le territoire sur les années à venir et dans tous les milieux socio-professionnels, afin de s'appuyer sur une pluralité de profils.
Au niveau local, la MSA met en place également des expérimentations pour aller vers des personnes potentiellement en situation de mal-être. "Elles sont repérées sur la base de certains critères sur le plan social, économique et sanitaire. Une initiative baptisée 'Faire le premier pas' a été lancée pour prendre contact avec ces personnes, par le biais de cartes postales écrites à la main et personnalisée. Des appels téléphoniques sont ensuite réalisés. L'idée est de pouvoir identifier les personnes et les orienter vers les accompagnements disponibles", explique Sarah Benayoun.
Aujourd'hui, l'ensemble des services de la MSA et ses partenaires travaillent de concert pour faciliter la remontée des signalements. Là aussi une plateforme de recueil de signalements a été lancée à titre expérimental.


Source Agriculteur Provençal. Auteur : Emmanuel DELARUE